Décor et motifs décoratifs

Les sources d'inspiration iconographique de la céramique copte

1) une influence autochtone

Dès l'époque de Nagada (entre 4 000 et 3 000 av. J.-C.), les potiers égyptiens ont peint sur leurs vases des motifs végétaux, géométriques, animaliers, sur un ton monochrome (E 27128, AF 6344). Au Nouvel Empire, les potiers introduisent la couleur : les vert amande, bleu canard, rouge, noir illuminent les motifs géométriques ou végétaux tracés sur les flancs des vases (E 914, N 882-8). Les coptes sont donc déjà héritiers d'un savoir-faire décoratif.

 

2) une influence grecque, d'époque hellénistique

Il paraît probable que les potiers coptes se sont souvenus des hydries hellénistiques de Hadra (ville proche d'Alexandrie) ou des céramiques de Gnathia, importées à Alexandrie (K607), mais aussi des vases méroïtiques (nubiens) ornés de rinceaux de lierre et de vigne ou d'animaux (AF 2224, E 13484). Cette céramique nubienne, elle-même influencée par l'art hellénistique, fut en quelque sorte le « conservatoire » de cet art grec durant la période romaine, comme le dit si justement G. Pierrat, archéologue du site de Tôd. Peut-on dire que les rares personnages, figés le plus souvent dans une frontalité gauche mais solennelle, participent de l'influence grecque, à travers une vision byzantine (E 11907-2) ?

 

3) une influence romaine

Après quelques importations de céramique africaine ou chypriote de type dit « sigillée », l'Égypte imite cette céramique, à sa manière, dans une terre locale (Assouan), recouverte d'un « vernis » policé, orangé. L'impression en creux ou à la molette est toujours préférée à l'impression en relief. Les formes de cette céramique s'implanteront durablement en Égypte (AF 5358). L'influence des plats ornés de poissons peints de la céramique campanienne sur la céramique copte portant la même iconographie n'est sans doute pas à négliger (K580).

 

4) une influence orientale

Dans l'Antiquité tardive, favorisé par la paix établie avec Rome au 5e siècle, le commerce avec la Perse sassanide, depuis le golfe persique, par l'Inde, Ceylan et le royaume d'Axoum apporta en Égypte les précieuses marchandises décorées : soieries, orfèvreries, ivoires. Le vocabulaire décoratif des artisans et artistes coptes va s'en trouver stimulé. Stimulé mais non subjugué puisque les potiers comme les tisserands traiteront toujours les motifs étrangers avec une liberté et une vivacité qui feront le caractère si particulier de l'art copte (E 13877).

 

Cette influence se note surtout dans les représentations d'animaux enrubannés, parfois affrontés de part et d'autre de motifs souvent végétaux. Fruits de quatre techniques différentes, quatre types de décor se rencontrent dans la céramique copte :

 

  • le décor rapporté : il consiste à coller sur le vase cru, à l'aide de barbotine, un motif préalablement moulé. Ce décor exceptionnel, apparaît néanmoins sur 4 bols à parois fines de la collection. Deux sont exhumés des fouilles d'Edfou, un de celles de Tôd, le quatrième est de provenance inconnue. Tous quatre sont ornés de mufles léonins, moulés et collés sur le bol à la barbotine. Moins raffinés et plus spectaculaires par leur taille et leurs couleurs, quelques grands plats présentent un décor de lotus, tresses et boutons posés sur les marlis ; la majorité de ces plats furent mis au jour à Antinoé dans des contextes des 5e et 6e siècles. Une série de bols en céramique fine, ornés de gouttes en relief, fut produite dans les ateliers d'Antinoé à l'époque romaine (E 14990, AF 5077, AF 5056, AF 5085).
  • le décor estampé, ou imprimé, en creux ou en relief : il est caractéristique des céramiques du groupe sigillé. En Égypte, l'estampage en relief (E 10979-1) semble être plus rare que celui en creux (E 10979-4, E 26837, E 15434). Cette technique utilise des sceaux, ou poinçons, portant des motifs en relief ou en creux que le potier va appliquer sur le vase cru. Les décors en relief sont souvent réservés aux plats largement ouverts, comme les plateaux rectangulaires ; les décors en creux agrémentent plutôt les fonds de coupe ou d'assiettes. Cette technique décorative est originaire du monde romain occidental.
  • le décor incisé, pratiqué à l'aide d'un stylet (E 14979, AF 5060) ou d'une molette pour reproduire les motifs répétitifs (E 26840, E 26842, AF 4924). L'usage d'une pointe de bois ou de métal ou d'une mollette que l'on fait rouler sur la pièce non cuite est caractéristique aussi du groupe sigillé, héritage du monde romain. Ce décor se trouve de préférence sur les parois extérieures des coupes, mais quelquefois aussi dans la partie supérieure de leur vasque.
  • le décor peint (E 11766, E 11776, E 14213), de loin le plus fréquent dans la céramique copte, est celui qui a fait sa réputation. Il la rattache cette fois au monde hellénistique. Ce décor s'étend sur les marlis et les fonds des récipients largement ouverts ou sur les flancs des récipients fermés. Dans les couleurs, les préférences des potiers vont au noir, et ses dérivés, au brun aubergine, au rouge, à la gamme des ocres et au blanc, plus rarement au vert pour les rehauts. Les couleurs sont obtenues à partir de pigments végétaux et minéraux.

 

L'étude des pigments de nombreux vases de la collection du Louvre a été réalisée au sein du LADIR/CNRS par Delphine Reynaud, sous la direction de Claude Coupry, ingénieur de recherches au CNRS, responsable des recherches sur les pigments anciens, selon la méthode de micro-spectrométrie Raman.

 

Selon cette étude : 

 

  • le noir a été obtenu par la combustion de végétaux (vigne ou autre bois que l'analyse n'a pas permis de déterminer),
  • le rouge est extrait de l'hématite associée à la magnétite,
  • les ocres et les oranges sont des argiles colorées par des oxydes de fer de l'hématite ou de la goethite,
  • le blanc est tiré de la calcite (extraite des roches calcaires de la vallée du Nil, de la craie, de la chaux ou des coquilles d'œufs), de la dolomite et du gypse,
  • le vert, plus rare, est issu de silicates d'aluminium comme la glauconie et la céladonite.

Les motifs décoratifs

La plupart des motifs sont appliqués dans les trois dernières techniques (peinture, incision et estampage), bien que la richesse des vases peints offre des thèmes supplémentaires (voir planches de motifs décoratifs).

 

  • géométriques : carrés, quadrillés ou damiers (AF 5033), cercles concentriques (AF 5060), guillochis (AF 4924), hachures (E 14980, AF 4986), traits pointés (E 14979), cercles perlés (AF 4946), denticules en creux (E 14983), perles (AF 4749), lignes brisées (E 14979) ;
  • végétaux : palmes (E 26838), rosaces (AF 5033), feuilles (AF 4987) ;
  • animaliers : oiseaux (E 15435), fauves ou mammifères non identifiables (E 10979, 1 et 2 et 4), palmipèdes (E 15434) ;
  • symboliques : chrisme (E 10979, 5 et AF 4749), croix (AF 5047, AF 5358, E 12818) ;
  • humains : saints personnages et orants (AF 5052).

 

La gamme des motifs géométriques et végétaux est beaucoup plus étendue dans la céramique peinte : pois, pastilles, zigzags, lignes ondées emprisonnant des pois dans ses arceaux, guirlandes rubanées, tresses, quadrillages emprisonnés dans des cercles, des losanges ou des carrés, lignes ciliées, droites ou courbes, flots, arceaux, galons perlés, triangles, spirales. Rapidement ce procédé décoratif va supplanter les autres.

 

Les motifs végétaux peints sont le plus souvent identifiables :

 

  • le lotus bleu égyptien, à la feuille échancrée, et le lotus rose dont la capsule ronde ressemble à une pomme d'arrosoir qui est d'origine indienne (AF 5091, E 15440) ;
  • la vigne, plante égyptienne dont hériteront les coptes (E 11766) ;
  • le lierre, dont l'iconographie est probablement importée par les rites dionysiaques (AF 1230 E 13906) ;
  • le palmier et sa palme, que les peintres ont sous les yeux (AF 4956 et 4960) ;
  • le « homa », arbre emblématique perse, symbolisant la vie sans cesse renaissante de ses propres graines. Il apparaît peut-être comme une simple tige ondulée garnie de pastilles figurant les fruits, et de quatre pousses renaissantes sur la grande jarre E 10993. Le répertoire est complété par diverses feuilles et fleurs non identifiables.

 

Le catalogue des animaux figurant sur les vases coptes n'est pas très étendu. L'animal préféré des potiers est le poisson, élément fondamental du répertoire de l'art pharaonique avec les oiseaux et les canards.

 

Il est possible quelquefois de différencier les espèces lorsque le dessin est réaliste (voir dessin des poissons). Le lates niloticus (perche du Nil), gros poisson au corps allongé, pourvu d'une nageoire caudale en deux parties dont la première est très épineuse et le tilapia nilotica (carpe du Nil), au corps plus arrondi, teinté de bleu, possédant une seule nageoire caudale, et pratiquant l'incubation buccale. Ce dernier poisson est la plupart du temps représenté crachant ou mangeant des algues ; il est, dès l'époque pharaonique, symbole de la renaissance et est abondamment utilisé dans les décors peints des céramiques (AF 5079, AF 4747, AF 4721).

 

Les oiseaux semblent apparaître plus tardivement dans le répertoire iconographique copte. Stylisés, ils portent généralement un ruban ou un collier autour du cou, révélateur de l'influence perse sassanide. Ce trait pourrait être utilisé, avec prudence, comme élément de datation. Canards, colombes, pigeons, cailles, autruches, coqs semblent avoir inspiré les modèles utilisés sans qu'il soit facile de les distinguer les uns des autres (AF 6939, AF 4709, E 13906).

 

Quant au répertoire des mammifères, relativement abondant, il se laisse deviner sans trop de peine : antilopes (gazelle dorcas) et lions, qui ont séduit les artistes dès l'époque pharaonique ; ânes et onagres aux longues oreilles ; agneaux ; girafes, qui se rencontrent moins fréquemment. Jamais statiques, tous ces animaux sont interprétés avec naturalisme (E 15437, E 11756, AF 4969, AF 4734, AF 5037, AF 496).

 

Le genre humain est aussi représenté en plus faible proportion. Dans la collection du musée du Louvre, cinq vases portent un décor de « portraits » en buste ou en pied, deux autres sont suspectés d'inauthenticité ; deux ou trois fragments sont illustrés de scènes très lacunaires (E 14213, E 14331, E 11753, E 10993, E 11907-1, E 11907-2, E 14361, AF 4727, AF 4935).

 

Les potiers coptes furent habiles à compenser la pauvreté des matériaux par le luxe de la décoration. Leurs moyens sont simples tout en étant fort savants : des couleurs vives posées en aplat sur un dessin qui, pour être chimérique, n'en est pas moins ferme, un goût de la profusion et un talent réel pour croquer le vivant avec humour et pointer le trait fondamental d'un sujet.