Jarres

Le terme de jarre, hérité du mot arabe « garrà », est utilisé en Égypte à partir de la conquête ; dans les textes, on le rencontre à partir du 8e siècle. Le terme équivalent pour la période copte n'est pas déterminé actuellement. Même si ce mot paraît anachronique, c'est celui que nous emploierons.

La jarre est un vase destiné à stocker des aliments, solides ou liquides, des grains, légumes, dattes, olives, miel, huile dans certains cas.

 

Deux types de jarres coexistent, correspondant à deux dimensions différentes plus qu'à des destinations distinctes : les jarres de grand format, mesurant entre 50 et 80 cm de hauteur, et les jarres de dimensions moindres, autour de 30 cm de hauteur. De nombreux exemplaires des deux catégories sont décorés de peintures.

 

La littérature ne précise pas, généralement, la nature d'un contenu dans ces grands récipients.

Les grandes jarres

Les grandes jarres présentent une large embouchure ouverte sur une panse à profil biconique ou ovoïde reposant sur un pied trop petit pour assurer une réelle stabilité. L'embouchure large facilitait le puisage et le pied trop petit nécessitait un support afin d'assurer un équilibre convenable. Souvent d'ailleurs ces jarres étaient enfouies en partie dans le sol ou dans des bancs maçonnés ou calées dans des trépieds de bois. Cet aménagement explique la concentration du décor sur la partie supérieure, restant seule visible.

 

Dans les jarres biconiques, l'embouchure est souvent cernée d'un col bas, généralement sans moulure, mais pourvu de quatre très petites anses annulaires permettant d'arrimer un couvercle (E 10993). Les jarres biconiques ornées de décors en registres se rencontrent en Égypte, avec une variante dans l'emplacement et le nombre des anses (trois au lieu de quatre), dès l'époque ptolémaïque (cf. jarre de Tanis).

 

Les jarres ovoïdes ne sont pas munies d'anses, le couvercle était donc vraisemblablement un plat ou une assiette simplement posé sur l'embouchure (E 12126). Doit-on en conclure que leur contenu était moins précieux ? Leur col s'élève en forme de cheminée, bordée ou non par une moulure. Le pied est tout aussi étroit que dans la première catégorie de jarres. Leur décor n'est pas aussi stéréotypé que celui des jarres biconiques, mais préfère généralement les motifs géométriques.

 

Ses dimensions importantes font de ce type de récipient un réservoir qui devait être installé dans les cuisines ou les resserres. Cependant, le décor raffiné de quelques-uns incite à y voir un élément de prestige en même temps que de stockage. Peut-être faisaient-ils office de huche dans les salles de réception où les convives étaient nombreux ?

 

Les jarres biconiques se rencontrent dans des niveaux du 6e siècle aussi bien que plus tardifs, à Tôd jusqu'au 10e siècle. Beaucoup de sites monastiques ont fourni ce genre de matériel. Les jarres ovoïdes qui semblent, a priori, plus rares sont attribuables à la même fourchette chronologique.

 

Très fréquemment, une trace de corde est visible au niveau de la jonction des deux cônes ; une corde était vraisemblablement utilisée pour assurer la rigidité de l'argile au moment de la soudure des deux parties, tournées séparément, avant la mise dans le four, au moment du séchage à l'air libre.

Les petites jarres

Les petites jarres présentent une panse ovoïde, reposant sur un pied annulaire ou droit mais bien marqué assurant une bonne stabilité ; l'embouchure, large, est formée par un col en cheminée tronconique. La hauteur de ce col représente toujours à peu près 1/5 de la hauteur totale. Il est couronné par une moulure en quart de rond à lèvre horizontale. Son articulation avec la panse est soulignée par un ou deux filets en relief. Sa forme évoque celle des pélikés grecques. Étant données ses dimensions et son décor, souvent très soigné, ce récipient devait prendre place à l'intérieur des salles de réception, posés sur une table ou une étagère.

 

Beaucoup ont été trouvés sur des sites monastiques.

 

La thèse d'un atelier localisé au monastère Saint-Jérémie à Saqqara, bien que séduisante puisque ce lieu a fourni plusieurs exemplaires de jarres peintes, attend toujours sa confirmation par des textes ou par la découverte de cet atelier à Saqqara. D'autres sites, en effet, ont fourni ce type de matériel, pour certains, tel Antinoé, en plusieurs exemplaires aussi. La qualité de l'argile, qui pourrait donner une orientation d'origine, est rarement décrite dans la documentation muséographique.

 

Quoi qu'il en soit, l'une des caractéristiques les plus attrayantes de ces jarres, grandes et petites, réside dans leur décor. Peut-être inspirés des lointains vases grecs, notamment les hydries de Hadra, le décor court tout autour de la partie supérieure de la panse, en un seul registre. Des scènes animées tentent de prendre place dans des métopes (cadres) scandant le registre à l'aide de rubans tressés, d'arbustes ou de fleurs schématisés. Mais ces cadres, loin d'enfermer les animaux qui s'affrontent, se poursuivent ou se regardent, ne sont que des ponctuations, essayant de mettre un peu d'ordre dans le foisonnement des figures ; pattes, becs, queues, mufles franchissent sans respect les encadrements, dans la plus belle tradition de la peinture copte. L'iconographie mêle les sources d'inspiration grecque avec les rinceaux de lierre, de laurier ; égyptienne avec les fleurs de lotus et les animaux et orientale dans le traitement sophistiqué des animaux.